Lettre ouverte aux élus et aux entrepreneurs :

 

 

N’est-il pas crucial de rappeler les apports fondamentaux de l’art dans une société qui, si elle n’est plus déclarée « en crise », accroit tous les jours des dysfonctionnements et des déséquilibres de plus en plus insoutenables, tant sur le plan humain qu’écologique ?

Ne sentant pas adéquate une création artistique en tant que valeur marchande propice à la spéculation, je me permet avant tout d’espérer l’avenir des arts en tant que services d’éveil à la maturation des sensibilités…

Car cela me semble une spectaculaire bévue que l’on puisse considérer « l’art » comme un domaine superflu sur lequel on fait des sacrifices budgétaires quand « les temps sont durs ».  C’est dramatiquement méconnaître l’art dans sa dimension vocationnelle première.

 

S’accorder, non point s’adapter :

 

L’être humain devient pleinement Humain n’ont pas quand il s’adapte à un progrès, aux lois du marché ou à d’autres être humains, mais quand il s’accorde à l’Humain profond enfoui  en nous tous, quand il s’accorde au Soi universel de l’humanité, quand il s’accorde à la Terre et au Cosmos, à l’Infiniment grand comme à l’Infiniment petit. L’art qui aspire à témoigner de la sensibilité et de l’intelligence de cette dimension humaine est voué et dévoué à annoncer l’humanité de demain à laquelle nous accorder. C’est-là une proposition anticrise à laquelle aucune innovation technologique, aucun accroissement aveugle du PNB n’auront d’aptitudes à suppléer. Cet art que j’honore, appelle à nous émanciper de nos somnambulismes de consommateurs-producteurs pour déployer des arts de vivre au-delà de ce que nous appelons « le progrès ». De tous temps, la compétitivité des marchés, l’innovation technologique nous ont imposé sans cesse de nous adapter. La vocation fondamentale de l’art ne peut pas, et ne pourra jamais se soumettre aux exigences de l’adaptation sans perdre contact avec l’essence profonde qui l’anime. L’art est fait pour accorder l’humain à plus vaste que lui.

Le futur n’est pas dans l’extrapolation de notre présent. Il est dans notre mue. Et la mue nous appelle à nous accorder, non point à nous adapter. Aussi quand l’art nait du renouvellement de soi dans l’accord, il devient l’instigateur d’arts de vivre.

Si les machines induisent le chômage de toutes les professions machinales, n’est-ce pas pour ouvrir l’avenir de l’humanité aux arts de vivre, aux facultés de sensibilité et d’intelligence, qu’aucunes machines ne pourront développer en substitut des êtres humains ? Mais pourquoi les élus et les entrepreneurs font-ils l’impasse sur ceux qui développent cet avenir ?

Une civilisation qui perd son art et ses arts  de vivre est comme le bois mort sur lequel viennent les parasites. A l’inverse, une civilisation qui vit son art en synergie avec les arts de vivre restaure son pouvoir de  rêver et de se réaliser. Ainsi résorbe-t-elle sa corruption, son terrorisme et toutes les autres noirceurs du temps.

Winston Churchill l’avait compris quand on lui demanda de couper dans le budget des arts pour l’effort de guerre et qu’il répondit : « Alors pourquoi nous battons-nous ? »

De même, ma question à vous est : à quoi jouons-nous devant la Terre et les générations futures ?

 

Bernard Boisson

Texte extrait de la conférence

« art et évolution de conscience » du 12 octobre 2017 à Paris